Un peu d'histoire
Un château en héritage
Lorsqu'on ouvrit le testament de son époux, quelques jours après sa mort, le 29 janvier 1858, la jeune madame Lacoste eut un choc. Mariée depuis cinq ans à Alexandre Bouzigues de Lacoste, 58 ans, elle découvrit en effet que son mari, épousé alors qu'elle en avait 26, avait laissé l'essentiel de sa fortune à son village. Collorgues héritait ainsi d'une somme appréciable et du château féodal du XI ème siècle remanié en ferme fortifiée au XVI ème siècle, dont la famille Bouzigues de Lacoste était propriétaire depuis le milieu du XVIII ème Siècle (voir ci-dessous copie du testament d'Alexandre de Lacoste)
En contrepartie de ce legs inattendu, la commune devait s'engager à ouvrir une maison de santé à l'intention des plus pauvres et des infirmes, à restaurer l'école et à offrir un gite au pasteur. Par ce geste philanthropique, Alexandre Lacoste aurait voulu, selon certains, exprimer sa reconnaissance envers les Collorgois qui avaient protégé le château et sa famille lors des troubles révolutionnaires.
Le coeur historique du village
L'histoire de cette grande bâtisse, qui abrite aujourd'hui la mairie, la bibliothèque et le foyer communal, après avoir hébergé l'école, est en effet indissociable de celle du village. Les produits de la récolte comme les munitions étaient rangés dans les remises et les granges aménagées à l'intérieur des bâtiments organisés sur trois étages, selon un plan en U. Sur la façade ouest, pratiquement à l'angle nord, un collier en fer fixé dans la pierre servait à maintenir un mât à l'occasion des réjouissances populaires organisées sur la petite place du Cornadou qu'il surplombe; Aux angles nord-ouest et sud-est du château, à une hauteur de 1 mètre 80, deux entailles pratiquées vers 1793 dans le chaînage d'angles ont joué un rôle déterminant pendant les guerres de religion. Elles servaient à prévenir les assaillants que les seigneurs du lieu avaient opté pour la religion réformée et qu'il convenait donc d'épargner leurs biens
Un ancien prieuré devenu temple réformé
Un village caractéristique du monde rural méridional
Avec ses maisons et ses ruelles qui s'étagent autour du temple et du château, le village conserve une physionomie presque immuable, caractéristique du monde rural méridional. Historien, universitaire, spécialiste reconnu de la révolution française, Claude Mazauric est aussi originaire de Collorgues. Dans un livre où il se penche sur le destin de quatre "poilus" natifs du village, son père et ses trois oncles, pendant la guerre de 14-18, Mazauric décrit parfaitement l'évolution de Collorgues au tournant du dix-neuvième et du vingtième siècle. Blé, froment, orge, avoine occupent alors plus du tiers du terroir cultivé. S'y ajoutent les fourrages pour les bêtes, l'arboriculture ( oliviers, abricotiers, fruitiers), et surtout le vignoble (79 hectares, soit presque 9%du terroir). Un fort troupeau d'ovins de près de 450 têtes et quelques 80 chèvres et boucs complètent le paysage. L'activité agricole, souligne Mazauric, était facilitée par le chemin de fer qui dessert alors la plupart des villages environnants et permet de transporter marchandises, animaux et outils. Et de rappeler : "La ligne de chemin de fer Alès-Beaucaire par Nozières, Foissac, Montaren et Uzès, ligne aujourd'hui abandonnée, était encore en activité, tout comme la ligne qui traversait Saint-Chaptes, le chef lieu de canton, dont la gare était alors jugée fort active"..
Les Collorguois prennent le train au Mas de Prés, à Foissac, pour se rendre à Uzès, à Alès ou à Nîmes. Avec 273 habitants en 1913, le village et ses Mas (Mas de l'Aveugle, Mas Cornet et Mas Combet) comptent deux moulins à huile, un charron-forgeron, un maréchal-ferrant un bourrelier-sellier, un maçon, un revendeur d'engrais et de produits phytosanitaires, un boulanger, un épicier, un atelier de couture, une mercerie, deux cafés, une recette-bureau de tabacs...
Place du "Moteur"
Le charron, Armand Mazauric, était installé rue Basse. Il fabriquait des charrettes et réparaît les roues cerclées de fer. Le maréchal-ferrant, Ulysse Nègre, avait sa forge dans l'actuel passage Albert Nègre, entre la place de la Roquefort et la Grand-rue. Le bourrelier Siméon Thérond, dont une impasse porte le nom, tout en haut de la Grand-rue, fabriquait les harnais, les rênes et les selles des chevaux.. Quant aux moulins à huile, le premier se situait à l'emplacement du Mas Cambon, place de la Roquefort, le second passage du Moulin Perrier. C'est un peu plus tard que l'actuel moulin Soulas, chemin du Château d'eau, viendra s'ajouter aux deux autres, soulignant encore l'importance de l'olivier dans l'économie villageoise.
Le travail achevé, les villageois pouvaient se retrouver dans un des deux cafés qui existaient à Collorgues depuis la fin du XIX ème siècle, le café de l'Union dans la Grand-rue, non loin de l'ancienne boulangerie, ou le café Audemard, entre le château et le temple. L'un comme l'autre ont disparu aujourd'hui. D'autres lieux ou d'autres noms peuvent rester mystérieux si l'on ne remonte pas dans le passé du village. Ainsi la place dite du "Moteur", (photo ci-dessus) en dessous de la mairie, qui tire son nom de la pompe et du "moteur" grâce auxquels on pouvait recueillir l'eau de source qui alimentait la population
*Claude Mazauric, "Destins : Quatre "poilus" originaires de Collorgues dans la grande guerre (1914-1918) "Editions de la Fenestrelle, Nîmes, 2014
A noter : pour approfondir votre connaissance du patrimoine architectural de la commune, téléchargez les annexes "patrimoine" du PLU (cf. "Consulter le PLU")
DOCUMENT
LE TESTAMENT D' ALEXANDRE BOUZIGUES DE LACOSTE